L'homme médian

[l'ancien]

Les quelques mots de statistiques qui ont enrichi le vocabulaire des journalistes leur permettent de dire beaucoup de bêtises. Ce matin j'entendais Bernard Guetta parler de « l'homme médian ». Le raisonnement en gros était le suivant. L'âge médian des Français qui était de 35 ans en 1960 est passé aujourd'hui à 40 ans. Quand on a 35 ans on croit encore que l'on peut changer le monde; quand on a 40 ans on commence sérieusement à songer à sa retraite. Conclusion: voilà pourquoi la France est figée. Venant de Stéphane Guillon, ce serait drôle; venant de Bernard Guetta, c'est consternant. La statistique serait donc l'art de raisonner sur des médianes?

Le plus grand mérite des statisticiens du XXe siècle, Shewhart et Deming en tête, est de nous avoir appris à raisonner sur des variations. Déjà au XIXe le philosophe Claude Bernard se moquait des chercheurs en médecine qui parlaient de  « l'urine moyenne » (je n'invente rien). Les grands changements dans l'histoire proviennent souvent des extrêmes. Je ne citerai qu'un exemple. Est-ce « l'homme médian » qui a rejoint le général de Gaulle en juin 1940?

[chanel]

"Je vais vous moyenner tout ça...", mon bon monsieur.
Les gendarmes m'ont interrogé l'autre jour parce que j'aurais aperçu un malfrat sortir de chez mon voisin qu'il venait de vandaliser. J'ai déclaré à la maréchaussée que l'homme m'est apparu comme étant de taille moyenne, avec une corpulence moyenne, avec des cheveux chatain moyen, marchant avec des enjambées moyennes... autrement dit le gangster était un parfait zombie moyen que n'importe quel zozo pouvait caractériser sans l'avoir jamais vu.
Plus sérieusement, il y a quelques années, le directeur de l'école d'ingénieurs où je donnais un cours m'a demandé de mettre des notes A, B,C, D, E et F respectivement à 10, 20, 30, 30, 20 et 10 % des étudiants, comme si chaque année la répartition des notes obtenues par les élèves avait ce profil imposé. Est-ce parce que je refusais de me plier à cette directive que j'ai été remercié? Ainsi va la tyrannie de la moyenne appliquée aux sous-classes d'une classe d'étudiants.