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« Répondre #7 le: 09 Octobre 2007 à 22:24:11 » |
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J’ai eu la chance de visiter l’usine Toyota de Valenciennes, c’était en 2003. Enfin j’allais découvrir, après tant et tant de lectures la vérité sur le système Toyota, le système de production qui est devenu « la référence » et qui a fait de ce groupe le premier producteur mondial d’automobiles. On a déjà beaucoup écrit sur le sujet (voir Internet !), je me limiterai donc à ce qui m’a le plus séduit…j’avais l’intention en quittant le site de refaire une visite pour confirmer ce que j’ai aperçu une première fois au cours d’une visite rapide. J’ai toujours été passionné par l’automobile : voir d’un côté arriver des bobines d’acier et à l’autre bout de l’usine voir la clef tourner et la voiture partir, c’est pour moi magique. De part ma profession, j’ai eu la chance de visiter, au cours de plusieurs décennies différents sites de production de nos constructeurs français (Peugeot, Renault, Citroën). Toyota, c’est un autre monde ! Quelques exemples : Réception des bobines d’acier, le poste de travail est présenté par notre accompagnateur : il nous explique le principe : tout doit être le plus clair possible, un opérateur ne connaissant rien du poste doit être capable de comprendre en quelques minutes le fonctionnement et d’agir. Effectivement, un grand tableau, des repérages par couleur des différents fournisseurs, le planning de la journée, les heures de livraisons, les produits à réceptionner…tout est visible. Vous savez rapidement que tel fournisseur doit livrer à telle heure tel produit : c’est mieux que tous les livres sur le sujet ! Si vous avez la chance d’être un jour fournisseur de Toyota, sachez que vous devrez livrer dans des créneaux horaires très précis, matin ou après midi. Nous ne comprenions pas cette rigueur qui d’après nous était juste faite pour nous embêter ! Et bien non, chez Toyota tout est optimisé, les opérateurs qui tiennent un poste d’approvisionnement sont polyvalents : et il ne sont présents au poste que pendant le créneau horaire spécifié, après ils vont à un autre poste. C’est donc pour simplifier leur polyvalence tout en limitant les risques d’erreur que ces postes sont aussi « visibles » Comme nous aimons prendre les gens en défaut, l’un de nous fait remarquer qu’il y avait au sol un produit qui n’a rien à faire à cet endroit . La réponse est surprenante : oui, je sais le manager français aurait vite fait de faire une remontrance (ne c’est pas le mot employé !), nous, nous procédons d’une autre façon : on va d’abord attendre que le personnel du lieu ait bien perçu que ce produit n’était pas à sa place et ainsi, de lui même, il va proposer un lieu de stockage. Quand tout le monde aura convenu de sa place, on pourra le déplacer. C’est le management par le consensus…nous dit-il, certes cela peut vous paraître plus long mais nous aurons plus de chance que ce lieu soit par la suite respecté, on n’y reviendra pas. Pour ce poste donc : consensus, management visuel. Direction les presses : pour passer du stock de bobines (enfin, de ma vie je n’ai jamais vu aussi peu de bobines en attente ! ! !) aux presses : un formidable anti-erreur comme ils disent. Chaque produit entrant a sa fiche identifiant les contrôles à effectuer. Nous avons compris que ces contrôles sont liés à des statistiques : en effet on nous a signalé que les contrôles sont renforcés quand les produits sont moins fiables (effet fournisseur ?) . Quand la bobine est prête à être utilisée, elle fait un quart de tour, ainsi va-t-elle se trouver dans l’axe de la dérouleuse. Les bobines en attente de contrôle restent perpendiculaires à la machine. Impossible d’engager donc une bobine non contrôlée puisqu’elle n’est pas dans le bon sens ! Managers français gardez votre costume, prenez votre sandwich, vous pourrez vous asseoir au sol, pas de risque que votre costume soit taché…..l’huile est dans la presse, pas autour ! C’est surprenant de propreté. Ah, une alerte sur une presse, une jeune femme arrive avec un ordinateur portable qu’elle connecte……ça repart…c’est magique. Nous passons devant un tableau blanc : dessus nous reconnaissons un Ihikawa, l’accompagnateur nous explique que lorsqu’un problème est identifié, on le traite ainsi, et que la proximité du tableau fait que si un opérateur veut venir compléter l’analyse en cours de travail, il peut à tout moment le faire. On recherchera encore le consensus dans les autres équipes. La chaîne de montage : surprenant, cela ressemble à un petit carré au milieu de l’usine….(sans doute une habitude japonaise de petits espaces ?) Autour de ce carré, les satellites, on approvisionne….on ressent fortement de part la structure que tout le monde est au service de la ligne de montage. On nous explique les informations visuelles sur ligne : a tout moment on peut voir sur un tableau l’endroit ou se produit un ralentissement : on anticipe !. L’opérateur qui se sent distancé dispose d’une ficelle (breveté Toyota !) , elle appellera de l’aide, l’idée c’est d’aider les personnes à accomplir leur travail correctement, on n’attend pas l’arrêt de ligne pour agir ! Un autre tableau affiche le nombre de voitures produites et l’objectif. Là, l’accompagnateur nous explique que l’objectif n’est pas fixé comme chez nous, (probablement voulait-il dire que chez nous c’est ce qui est réalisable + 10% ! ! !) . L’objectif est ce qui est réalisable (une sorte de standard) , et ce n’est que lorsque des gains de temps ont été effectués et validés (toutes équipes) que l’objectif va changer. Oui car on pratique le kaizen. Les opérateurs doivent rechercher en permanence comment améliorer la production, tout est possible si c’est validé par les autres équipes ! Cette fixation d’objectif est pour moi primordiale : on est dans le management by means et non par results ! J’ai découvert dans la presse (écrite celle là) que des ergonomes travaillent aussi à ces améliorations. Je me souviens dans nos industries, certes dans les années 70, où quand un ouvrier sollicitait une amélioration de son poste , on disait « encore un qui cherche un prétexte pour ne pas travailler ! » Les temps on bien changé ! Pour ce poste donc je retiendrai : anticipation, on aide à bien faire, fixation d’objectif.
Nous avons pu remarquer au cours de la visite que les chariots qui traversent les ateliers ont presque toujours des remorques chargées (c’était une remarque que nous avait faite l’accompagnateur) si on va apporter quelque chose, on a quelque chose à rapporter. Bien sur kanban à tous les niveaux…Une optimisation poussée à ce niveau mérite le respect ! Là encore des visites de sites français me laissaient penser qu’il y avait des courses de chariot vides organisées…bon d’accord, cela n’existe plus ! !
Bien sur avant cette courte visite on nous avait présenté la prime….identique pour tous ! et oui ! Le patron qui a son bureau parmi ses collaborateurs et qui mange au self…qui porte son plateau tout seul et qui fait la queue , qui est habillé en tenue de travail…bref, des choses sans importance pour nous ! ! ! ! ! !
J’étais enchanté par cette visite très courte, un concentré de tout ce que j’avais pu lire sur le sujet. Et j’ai hâte d’y retourner mais je crois que l’usine n’est pas encore ouverte au public.
Ainsi notre petite Yaris sortait au rythme d’une par minute !…..il me semble avoir vu dans la presse récemment que c’était maintenant 1 pour 50 secondes ! C’est ça l’amélioration continue !
Et en plus avec tous les obstacles français dénoncés en permanence par le MEDEF …..35 heures, code du travail, bref la France paresseuse …et les obstacles européens, l’Euro trop fort ….etc….
Rêvons un peu, si on consacrait toute cette énergie négative à faire du kaizen….imaginez la France de demain !
Tiens une dernière histoire : procurez vous donc les objectifs d’un agent de maîtrise français à l’heure du management par objectif « à la française » et des entretiens individuels qui vont avec…… (dans la société où j’étais, cela ne tenais pas sur une seule page !)
Connaissez-vous les objectifs de son homologue Toyota ? Il en a un seul : faire du Kaizen ! ! ! ! (extrait d’un film sur l’implantation de Toyota à Valenciennes)
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